A Aubervilliers, un ménage paye en moyenne 150€ de plus par an pour l’eau qu’un ménage parisien. Cette injustice s’explique par les tarifs pratiqués par Veolia et par la délégation de service public choisie par le SEDIF, quand Paris bénéficie d’une régie autonome. Mais cette situation n’est pas inéluctable…
Aubervilliers : les sources d’une injustice
L’EPT (Etablissement Public Territorial) Plaine Commune, dont est membre la ville d’Aubervilliers, est adhérent du Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF), qui a confié la gestion du service public de l’eau à l’entreprise privée Veolia. Le prix de l’eau au m3 pratiqué par le SEDIF est, au 1er semestre 2017, de 4,2658€. En revanche, la ville de Paris a confié la gestion de l’eau à l’opérateur public Eau de Paris. Le prix de l’eau au m3 est de 3,4164€ .
Le prix de l’eau se répartit à Paris comme à Aubervilliers en trois : le coût du service de l’eau, assuré par Veolia ou Eau de Paris, les redevances d’assainissement perçues par les collectivités locales, et les taxes reversées à différents organismes publics finançant les actions d’aménagement et de protection des ressources en eau au niveau régional et national.
On constate donc que la véritable différence de prix se joue sur la part du prix déterminée par le producteur/distributeur : le tarif pratiqué par le SEDIF/Veolia est environ 40 centimes plus élevé que celui d’Eaux de Paris. Au total, on aboutit à un prix plus élevé d’environ 0,85€ au m3 pour le SEDIF/Veolia.
En sachant qu’on consomme en moyenne 120 litres d’eau par jour et par personne, si nous calculons la consommation sur un an pour une famille de 4 personnes, on aboutit à une facture chez SEDIF/Veolia d’environ 747€, contre chez Eau de Paris environ 599€, soit une différence de 148€. Cette somme n’est pas négligeable, surtout lorsque l’on sait que le revenu médian annuel d’un ménage à Aubervilliers est de 10 916€ contre 27 070€ pour Paris : il apparaît alors fondamentalement injuste que l’eau soit plus chère à Aubervilliers qu’à Paris.
Production et distribution (A) |
Redevances d’assainissement (B) |
Taxes aux autres organismes publics (C) |
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SEDIF |
34,4% |
1,47€ |
41,6% |
1,77€ |
24% |
1,02€ |
4,2658€ |
Eaux de Paris |
31,6% |
1,08€ |
43,6% |
1,48€ |
24,8% |
0,85€ |
3,4164€ |
Que faire ?
En raison de la loi « NOTRe », le mode de gestion du service de l’eau potable est ouvert à discussion : la communauté d’agglomération Plaine Commune s’est en effet transformée en EPT. Or chaque EPT a jusqu’au 31 décembre 2017 pour décider du mode de gestion de l’eau souhaité, c’est-à-dire soit ré-adhérer au SEDIF et donc continuer avec la délégation de service public à Veolia, soit changer de mode de gestion en passant en gestion publique comme l’a fait Paris il y a quelques années. L’EPT peut également décider de laisser le choix à chaque commune : on aurait alors des communes qui pourraient ré-adhérer au SEDIF, d’autres qui pourraient créer leur propre régie autonome, ou encore d’autres qui pourraient passer en régie publique avec Eau de Paris.
Nous voulons un grand débat populaire autour de la gestion de l’eau sur la ville, pour faire de l’eau un objet de débat public et démocratique. Nous nous opposons dès lors à la réadhésion automatique au SEDIF, sans aucune espèce de débat et d’étude des possibilités qui s’offrent à nous. Nous ne pouvons pas au jour d’aujourd’hui affirmer qu’il est certain que l’eau coûterait moins cher si Aubervilliers passait en régie publique : nous avons en revanche les moyens de le découvrir. En effet, Eau de Paris propose de réaliser une étude de coût et de faisabilité du passage en régie publique, et ce gratuitement et sur demande du maire de la commune concernée. Nous demandons donc aux élus municipaux d’Aubervilliers d’inscrire à l’ordre du jour et de voter une motion qui demande à Mme la maire de charger Eau de Paris de réaliser cette étude. Nous demandons également aux élus de Plaine Commune de faire cette étude à l’échelle de l’EPT, ainsi que d’explorer toutes les autres options.
Une fois ces études faites, et l’ensemble des options envisagées, nous pourrons prendre une décision en connaissance de cause.
Notre campagne
Juin 2016 : la régularisation contesté et désastreuse de près de 3 ans de consommations d’eau pour tous les locataires du parc OPH
Le choix d’agir sur la question de l’eau a été fait par les habitant(e)s réuni(e)s en Assemblée Générale : c’est d’abord sur les questions des factures et de la mauvaise gestion de la facturation par l’OPHLM que les membres de l’Alliance Citoyenne ont commencé à s’intéresser à l’eau. En effet, suite à l’absence de régularisations pendant plusieurs années, des habitant(e)s ont reçu des factures explosives, pouvant aller jusqu’à 5000€. A commencé alors une campagne sur le long terme, avec une action le 28 juin 2016 durant laquelle les habitant(e)s iront offrir des bouteilles d’eau au directeur de l’OPHLM : « votre eau est trop chère, on vous la rend ». Plusieurs réunions entre des membres de l’Alliance et des représentants de l’OPHLM auront lieu, et si certains revendications sont obtenues au cours de l’année 2016, les membres de l’Alliance sont toujours insatisfait(e)s face à la situation.
Juin 2017 : nous continuons notre pression et interpellation du conseil d’administration de l’OPH
C’est ainsi que le 20 juin dernier, quasiment un an après notre première action, nous décidons de former un comité d’accueil au conseil d’administration de l’OPHLM : le but est d’encourager les membres à voter pour le moratoire et le gel des 20€ mensuels de régularisation, proposés par le nouveau président de l’OPH, Monsieur Anthony Daguet. Ce sera finalement un succès puisque la proposition sera bien votée par les membres du CA : l’Alliance Citoyenne reste maintenant vigilante quant à l’application concrète de ces mesures.
Législatives 2017 : l’Alliance Citoyenne interpelle les candidats
La campagne passe d’abord par une recherche de visibilité, afin d’inscrire le thème de l’eau à l’agenda politique. L’eau est un sujet au coeur de beaucoup de préoccupations et débats, et nous avons souhaité porter le débat au niveau national en interpellant également les candidat(e)s aux législatives sur la circonscription Pantin-Aubervilliers. Au total, nous avons pu interpeller 6 candidat(e)s : Monsieur Le Hyaric (PCF), Madame Guigou (PS), Monsieur Lachaud (France Insoumise), Madame Franclet (UDI-LR), Madame Arthaud (LO) et Monsieur Aidara (EM). Cela nous a permis de donner de la visibilité à notre combat et de faire prendre conscience aux décideurs que la lutte pour l’eau comme bien commun doit se construire également au Parlement et à l’échelle nationale.
Par ailleurs, il est important d’agir au niveau de la mairie d’Aubervilliers, puisque c’est à elle de porter notre message auprès de Plaine Commune : ainsi, les habitant(e)s s’entretiennent plusieurs fois avec Monsieur Anthony Daguet, premier adjoint à la mairie, pour tenter de faire de la question de l’eau un vrai débat au sein du conseil municipal.
Septembre 2017: Interpellation de la maire d’Aubervilliers et victoire sur le SEDIF à Plaine Commune !
Le 19 septembre, les habitant(e)s obtiennent un rendez-vous avec Mme la maire, qui leur faire part de son engagement de voter un vœu municipal « Pour une régie publique » le lendemain. Elle affirme vouloir construire une démarche commune avec les autres municipalités de Plaine Commune pour lancer les études nécessaires, et s’engage à préparer un débat public auquel l’Alliance sera conviée, fin septembre ou début octobre. C’est déjà une belle avancée qui montre que les efforts des habitant(e)s pour faire de l’eau un sujet dont l’on parle ont payé ! Le même jour, grâce à la mobilisation citoyenne dont l’Alliance Citoyenne est partie prenante, les élu(e)s de Plaine Commune décident de reporter le vote de ré-adhésion au SEDIF afin de pouvoir réaliser les études nécessaires.
Victoire ! Nous restons vigilant(e)s pour le reste de la bataille à mener. On continue le combat !